Christian Navarre, économiste, directeur du programme Comment l’internet impacte l’industrie automobile. Mobilité et télématique automobile. Le concept de Nortel : sois le réseau !
L’université d’Ottawa est bilingue. Elle compte 25 000 étudiants dans toutes les disciplines, avec un point fort sur les TIC. Son budget est de 350 millions C$, auxquels s’ajoutent environ 100 M C$ de programmes de recherche.
Le Car Internet Research Program (CIRP)
Le CIRP a été fondé en 2001. Il est financé par Renault Nissan, PSA, CGEY, Fujitsu, Acounia (solutions Java en télématique automobile), Plastic Omnium…
Son objectif est « de se placer à l’avant-garde de la réflexion sur les technologies Internet, afin de sensibiliser les entreprises partenaires aux changements structurels provoqués par l’avènement du Web et à leurs effets, et surtout, de leur offrir une meilleure compréhension des tendances et évolutions à moyen et long termes. » Le secteur automobile est en « déconstruction créatrice » : il est donc important de repérer comment l’ancien et le nouveau vont s’articuler demain.
Le CIRP fonctionne en réseau avec une quinzaine de chercheurs à Berkeley, Salt Lake City, Paris (Ceridice de l’ESCP-EAP, www.escp.fr/fr/faculty_research/ceridice/index_fr.html). Il mène un certain nombre d’études concrètes, par exemple :
· L’effet de l’internet sur les prix
· Etude sur un échantillon d’acheteurs de voitures sur l’internet en Europe
· Enquête sur les fournisseurs au Canada
· Enquête sur les concessionnaires en Europe, etc.
Comment l’internet impacte l’industrie automobile
Cars Direct (financé par Michael Dell) vend des voitures directement sur l’internet. La plupart des autres sites (ex. CarPoint) permettent de passer commande, mais la transaction se dénoue dans une concession.
Cependant, le processus de sélection et d’achat est fortement modifié par le web :
· Les sites orientent et permettent de restreindre très rapidement la sélection. En recourant à différents sites, je peux comparer des modèles, être aidé à choisir, comparer les prix, ajouter des options, vérifier la disponibilité…
· Des sites de financement se fixent pour objectif de faire baisser le prix d’achat de la voiture, en favorisant la transparence des prix et des coûts. La banque propose un calculateur de crédits en tenant compte de la valeur de reprise. L’assurance indique les tarifs d’assurance, qui dépendent du modèle. Les courtiers permettent par ailleurs de comparer les tarifs des assureurs…
· Je peux ensuite calculer le coût de possession de la voiture…
· Une fois qu’on possède son automobile, on peut la « stationner sur l’internet » (suivi, rappels des révisions, etc.).
Les sites de courtage (USA et Canada) reçoivent 5 à 6 M de visiteurs uniques/mois, ceux des constructeurs de l’ordre de 3 M.
Cependant, l’internet n’a ni inversé, ni accéléré une tendance longue de baisse du nombre de concessionnaires. L’internet n’a pas consommé toutes les marges des concessionnaires. Son impact se fait sentir d’une manière un peu différente
La situation en 2000
En mai 2000, on expérimentait de nombreux nouveaux modèles d’affaires :
B2B
B2C
e-Car
Places de marché
Rassemblement des grands constructeurs automobiles dans Covisint
Test de modèles économiques : Auto-by-Tel (concessionnaires), eMotors (vente d’occasions en ligne, disparu), CarsDirect (vente en direct de modèles neufs).
Déferlement de nouveaux entrants.
Ouverture difficile et lente de l’Europe.
Que va devenir la voiture avec ces technologies ?
Premiers produits.
Premiers systèmes : OnStar, GPS-cellulaire connectés à un centre d’appels et avec des prestations.
Toutes les organisations créent des organisations dédiées (e-GM…)
La situation en mai 2001
B2B
B2C
e-Car
Covisint fonctionne en capte des Mds $ d’achats
Sélection naturelle,
Retour en force des concessionnaires, qui ont bien tiré parti des technologies : presque tous ont leur propre site, ½ donne ses tarifs et prend des RV en ligne, ½ permet de demander un crédit en ligne… Du coup, ils sont moins nombreux à adhérer aux réseaux de concessionnaires.
Un concessionnaire qui a créé son site en 1995 vend en moyenne 14 voitures / mois (sur un total de 50) grâce aux contacts internet.
Bonne qualité de la réponse aux mails : 25 % reçoivent une réponse dans l’heure, 37 % dans les 6 heures.
Poussée des constructeurs vers l’aval (le meilleur : GM).
Trop-plein technologique
Vide des modèles économiques et fonctionnels, on ne sait pas comment tirer de la valeur de cela.
Si les acteurs spécialisés sont nombreux à avoir disparu, le marché automobile sur l’internet a acquis une réalité tangible.
62 % des concessionnaires ont réalisé des ventes en ligne , ou grâce à des contacts obtenus en ligne (moyenne : 6,2 véhicules par mois).
L’achat automobile est cher et stressant, beaucoup sont heureux de réduire cette pression. En moyenne un acheteur sur l’internet obtient 2 % de baisse de prix supplémentaire, et le passage sur l’internet permet aux groupes qui paient traditionnellement leur voiture plus cher (femmes, noirs, hispaniques) de payer désormais la même chose que les autres. Ainsi, 45 à 60 % des acheteurs ont commencé leur processus d’achat sur l’internet et 15 à 25 % des véhicules achetés l’ont été principalement au travers d’un processus qui s’est joué sur l’internet.
A l’horizon 2005 – 1) Signaux négatifs
B2B
B2C
e-Car
Résistance des fournisseurs de premier rang, inquiets de se retrouver sur une place de marché (Covisint) rassemblant tous les constructeurs, de subir les contre-enchères…
Indifférence des autres partenaires (tiers 2, 3…) qui ne se pressent pas vers les places de marché.
Difficulté d’adoption des outils de collaboration en ligne.
Désastre financier des « infomédiaires »
Effet de la réglementation et blocage des évolutions (ex. réglementations interdisant aux construc-teurs de vendre leurs véhicules en direct). En Europe, la distribution exclusive cessera d’exister telle quelle en septembre 2002.
Nécessaire « réenchante-ment » de la distribution pour compenser la dématérialisation croissance de l’acte d’achat. (cf. Eldorauto Paris-Champs Elysées ; Transformation de l’usine VW en parc d’attraction ; retrait de l’automobile en usine…)
Turbulence technologique et incertitudes
Question de la profitabilité
Contexte financier peu favorable
L’économie des intermédiaires devient mieux connue et plus solide :
· Les vendeurs sur l’internet gagnent un salaire fixe. Ce sont souvent des nouveau vendeurs, qui écoutent, sont technophiles (75 % des vendeurs classiques sont technophobes).
· En dehors d’Auto-By-Tel, les infomédiaires perdent beaucoup d’argent. Il n’en restera qu’un ou deux. Leur modèle économique repose de plus en plus sur le référencement plutôt que l’apport d’affaires.
Peut-on imaginer un système de distribution sans concessionnaires ? Idée : au lieu d’essayer une voiture, la louer – remplacer les concessions par des agences de location.
A l’horizon 2005 – 2) Signaux positifs
B2B
B2C
ECar
Bénéfices économiques grâce aux EDI classiques (économie de 70$ par véhicule) : confirme qu’il y a beaucoup à gagner dans le B2B.
Ford avec UPS a réorganisé toute sa chaîne d’approvisionnement, à base de technologies internet. En 10 mois, le système a permis d’éliminer 1 Md$ de stock.
Autres pistes de gains : design collaboratif.
Meilleure compréhension de la complexité des places de marché.
Les principaux problèmes :
· Résistances
· Les gains sont collectifs et on ne dispose pas d’outils pour le répartir
Développement très rapide des compétences des internautes
Réalité de la vente en ligne (le meilleur concessionnaire a vendu $ 45 M en 2001)
Comportements nouveaux : par ex. les achats en ligne se font auprès de concessionnaires plus éloignés que d’habitude de la résidence de l’acheteur. Ceci signifie que l’internet stimule la concurrence entre concessionnaires, ce qui laisse prévoir une rude sélection dès que le marché automobile redescendra de ses actuels sommets.
Emergence de plates-formes
Le « succès » d’OnStar : 2 M d’abonnés
Premières victoires ; émergence de standards ;meilleurs compréhension des modèles économiques
Des focus groupes avec des adolescents permettent d’imaginer quelques tendances d’avenir. Les ados ne surfent pas, ils utilisent essentiellement le courriel, la messagerie instantanée. Ils « clavardent » avec en moyenne 20 personnes en même temps.
Les ados utilisent donc avant tout le média pour communiquer. Quand on leur montre des sites, ils veulent que ça bouge. Ils n’aiment pas les voitures qui vont à l’encontre de leur besoin de liberté de mouvement. Ils veulent des automobiles totalement customisables, même de manière sauvage. Donc les sites web tels qu’on les connaît seront assez vite décalés.
Mobilité et télématique automobile De quoi s’agit-il ?
La base consiste à installer un téléphone cellulaire et un dispositif de localisation GPS dans la voiture, dans le but d’amener des services dans la voiture.
Ce marché est encore émergent mais son expansion s’annonce explosive. Les prévisions pour 2010 font état de 40 à 100 Mds US$ au niveau mondial, dont 50 % aux Etats-Unis.
Cependant, les scénarios d’adoption de la mobilité sont très différents selon les régions du monde :
USA
Europe
Asie
Plusieurs normes
Une langue (pour l’essentiel)
Une norme
Plusieurs langues
Japon : un standard, un marché développé, une langue
Attentes prioritaires : sécurité, sûreté
Attente prioritaires : navigation, information trafic, sécurité
Un fort besoin de standards
Tous les industriels ont des projets télématiques :
· Constructeurs télécoms
· Equipementiers
· Spécialistes du multimédia
· Spécialistes de la navigation
· Et surtout, bien sûr, les constructeurs automobiles
Il faudra trouver des repères dans ce foisonnement. Une offre complète nécessite au moins :
· Un fournisseur d’accès réseau ;
· Un producteur de périphériques : téléphone, connecté au calculateur de la voiture, sécurisé (éviter l’intrusion…) et au GPS, avec un dispositif de dialogue vocal.
· Un fournisseur de contenus
– Guidage
– A la station service, communication entre la voiture et la pompe, la station…
– Appel pour trouver un service…
· Un centre d’appel
… Or chacun de ces acteurs se croit unique ! La solution ne viendra que d’une union entre les acteurs.
Un modèle économique à définir
Par ailleurs, le modèle économique n’est pas du tout défini : comment facturer, quels sont les mécanismes de création de valeur, comment se partager la valeur créée…
Les offres actuelles sont tarifées 10 à 20 US$/mois, ce qui est très bas. Donc ces ne services ne pourront être rentabilisés que sur de très gros volumes. On en est loin aujourd’hui.
Le concept de Nortel : sois le réseau !
Nortel (entre autres) réfléchit actuellement à un concept de « réseau hypermobile » dans lequel chaque automobile est un nœud actif du réseau et route les messages des autres : le véhicule est un serveur, un routeur (sans fil). Ce type de technologie est aujourd’hui utilisé par les militaires.
Chaque routeur coûte entre 200 et 400 US$. L’idée est qu’au bout de quelque temps, le constructeur qui a consenti un tel investissement se retrouve à la tête d’un réseau de télécommunications construit à partir de coûts variables, pas de coûts fixes. Le concessionnaire devient un élément fixe à partir duquel l’ensemble du réseau est raccordé au reste de l’internet. On peut ainsi imaginer de créer un réseau de téléphonie sans fil au coût marginal.
Christian Navarre, université d’Ottawa / CIRP