Hyperobjets, hypothèses

Du web des informations au web des objets : la perspective est passionnante. On imagine volontiers des objets entourés d’une aura d’informations et de relations, capables de se repérer et de repérer d’autres objets dans leur environnement, communiquant de manière autonome avec d’autres « hyperobjets » (ou même avec des objets purement numériques, des documents et des informations), laissant derrière leurs actions une trace qui devient une histoire. Les possibilités dans des domaines tels que la santé, la sécurité, la gestion des chaînes d’approvisionnement, les transports, les services à la personne… sont immenses. Et la combinatoire est potentiellement infinie : les applications les plus importantes ne sont probablement pas encore imaginées, ou alors quelque part dans un roman de science-fiction (1).

Pourtant, cette perspective ne se réalisera pas sans peine – et surtout pas sans nous. C’est aux humains de définir de manière précise (et par conséquent restrictive) les règles qui permettront effectivement à ces objets de communiquer. Il faudra des règles à quatre niveaux, au moins (2) : physique, ontologique, syntaxique et sémantique.

Au niveau physique, s’il est simple de créer un flux de données entre les puces, il l’est moins de découvrir les puces environnantes et leurs capacités, ainsi que de se faire entendre dans l’épais brouillard d’ondes qui noiera les métropoles de demain. Au niveau « ontologique », il faut savoir qui est qui, d’où vient chaque puce, puis déclarer, contrôler et négocier, couche par couche, un ensemble de droits. Au niveau syntaxique, il s’agit de reconnaître une commande d’une identité ou d’une variable, d’organiser des dialogues en séquences et processus complexes. Enfin, au niveau sémantique, il faut que les objets sachent attribuer un même sens à chaque mot.

Bref, pour que les objets se comprennent, il faut que les hommes le fassent, et à demi-mot encore ! 25 ans d’histoire des EDI (Echanges de données informatisées) démontrent que ce n’est pas si simple. Le web des objets est aujourd’hui, et pour longtemps, composé de toutes petites toiles sans lien les unes avec les autres.

Qui plus est, nous passons et passerons notre temps à faire des trous dans les toiles. C’est désormais la fonction de l’humain : en amont, définir les règles et les liens et en aval, les défaire. Comment ? En disant non ; en changeant d’avis ; en renégociant ; en mentant ; en comprenant mal ; en oubliant ; en blaguant ; en posant des questions idiotes ; en se révoltant ; en imaginant autre chose… le propre de l’homme, quoi.

C’est parce qu’il saura incorporer nos désordres autant que notre ordre que le web des objets et des informations nous sera un atout plutôt qu’une contrainte.

(1) Notons que la SF ne s’est pas massivement emparée du paradigme « pair à pair », où personnes, objets, informations… échangent entre eux de manière transversale, sans le concours ou le contrôle d’une intelligence supérieure et centrale. Conseillons néanmoins l’excellent L’âge de diamant ou le Manuel illustré d’éducation pour jeunes filles, de Neal Stephenson (Rivages Futur, 1996). Les suggestions et notes de lecture des lecteurs mieux documentés sont bienvenues !!

(2) D’avance, pardon à ceux que choquera l’imprécision technique des expressions au regard des termes consacrés qu’utilisent les professionnels. Cette réflexion emprunte à plusieurs domaines qui ne parlent pas tout à fait la même langue – ce qui, d’ailleurs, constitue une illustration du sujet même de cet éditorial.

Du web des informations au web des objets : la perspective est passionnante. On imagine volontiers des objets entourés d’une aura d’informations et de relations, capables de se repérer et de repérer d’autres objets dans leur environnement, communiquant de manière autonome avec d’autres « hyperobjets » (ou même avec des objets purement numériques, des documents et des informations), laissant derrière leurs actions une trace qui devient une histoire. Les possibilités dans des domaines tels que la santé, la sécurité, la gestion des chaînes d’approvisionnement, les transports, les services à la personne… sont immenses. Et la combinatoire est potentiellement infinie : les applications les plus importantes ne sont probablement pas encore imaginées, ou alors quelque part dans un roman de science-fiction (1).

Pourtant, cette perspective ne se réalisera pas sans peine – et surtout pas sans nous. C’est aux humains de définir de manière précise (et par conséquent restrictive) les règles qui permettront effectivement à ces objets de communiquer. Il faudra des règles à quatre niveaux, au moins (2) : physique, ontologique, syntaxique et sémantique.

Au niveau physique, s’il est simple de créer un flux de données entre les puces, il l’est moins de découvrir les puces environnantes et leurs capacités, ainsi que de se faire entendre dans l’épais brouillard d’ondes qui noiera les métropoles de demain. Au niveau « ontologique », il faut savoir qui est qui, d’où vient chaque puce, puis déclarer, contrôler et négocier, couche par couche, un ensemble de droits. Au niveau syntaxique, il s’agit de reconnaître une commande d’une identité ou d’une variable, d’organiser des dialogues en séquences et processus complexes. Enfin, au niveau sémantique, il faut que les objets sachent attribuer un même sens à chaque mot.

Bref, pour que les objets se comprennent, il faut que les hommes le fassent, et à demi-mot encore ! 25 ans d’histoire des EDI (Echanges de données informatisées) démontrent que ce n’est pas si simple. Le web des objets est aujourd’hui, et pour longtemps, composé de toutes petites toiles sans lien les unes avec les autres.

Qui plus est, nous passons et passerons notre temps à faire des trous dans les toiles. C’est désormais la fonction de l’humain : en amont, définir les règles et les liens et en aval, les défaire. Comment ? En disant non ; en changeant d’avis ; en renégociant ; en mentant ; en comprenant mal ; en oubliant ; en blaguant ; en posant des questions idiotes ; en se révoltant ; en imaginant autre chose… le propre de l’homme, quoi.

C’est parce qu’il saura incorporer nos désordres autant que notre ordre que le web des objets et des informations nous sera un atout plutôt qu’une contrainte.

(1) Notons que la SF ne s’est pas massivement emparée du paradigme « pair à pair », où personnes, objets, informations… échangent entre eux de manière transversale, sans le concours ou le contrôle d’une intelligence supérieure et centrale. Conseillons néanmoins l’excellent L’âge de diamant ou le Manuel illustré d’éducation pour jeunes filles, de Neal Stephenson (Rivages Futur, 1996). Les suggestions et notes de lecture des lecteurs mieux documentés sont bienvenues ! !

(2) D’avance, pardon à ceux que choquera l’imprécision technique des expressions au regard des termes consacrés qu’utilisent les professionnels. Cette réflexion emprunte à plusieurs domaines qui ne parlent pas tout à fait la même langue – ce qui, d’ailleurs, constitue une illustration du sujet même de cet éditorial.

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